vendredi 30 octobre 2009

De notre identité nationale et de l'utilité d'un débat

Le débat est à peine lancé et déjà on s'accorde tous à dire qu'on n'est d'accord avec personne.

Rien que ce désaccord consensuel justifie le débat.

CQFD ;)

Sérieusement, ça me paraît utile pour notre Société de crever l'abcès en clarifiant cette notion d'identité nationale sur des bases saines déblayées de notions distinctes qui viennent polluer le débat, telles que patriotisme ou nationalisme, que le Front National essaye d'amalgamer.

Ainsi, contrairement à ceux qui croient que le débat fait le bonheur du FN, je pense qu'il lui est en fait potentiellement mortel.

Ma contribution sera celle-là, toute simple: notre identité nationale, celle qui fait qu'une personne est française, c'est d'une part l'adhésion de cette personne à nos règles républicaines faites de principes, de droits et d'obligations et d'autre part son acceptation par la France en tant que français.

Les règles de la République, elles sont toutes écrites et figurent toutes dans le "bloc constitutionnel" tel que protégé par le Conseil Constitutionnel. Je ne parle pas des lois, qui viennent organiser la façon dont nous vivons ensemble, mais qui ne nous définissent nullement comme français.

Le texte de la Constitution de 1958 fait partie intégrante du bloc constitutionnel, mais pas seulement. Il y a aussi tous les textes fondamentaux de notre République, à savoir:

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
- le préambule de la Constitution de 1946 qui inclut les droits sociaux et économiques, mais aussi tous les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps
- la Charte de l'environnement de 2004
- et bientôt les droits "modernes" sur lesquels travaille la commission Veil.

Alors voici en vrac quelques éléments qui nous identifient en tant que français et qui résultent directement du bloc de constitutionnalité:

Les droits naturels et imprescriptibles
de l'homme:
- liberté
- propriété
- sûreté
- résistance à l'oppression

Les principes:
- liberté (individuelle, d'opinion, d'expression, de conscience, d'association, de la presse, d'enseignement, du commerce, de l'industrie, syndicale, etc.)
- égalité (en droits, des droits hommes-femmes, devant la loi, le service public, l'impôt, les charges publiques, etc.) sans distinction d'origine, de race ou de religion
- fraternité
- laïcité, respect de toutes les croyances
- protection de la santé, sécurité matérielle, repos, loisirs garantis par la Nation
- droit d'asile des étrangers

L'organisation politique, la loi, la justice:
- démocratie, gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple
- République une et indivisible en son territoire
- séparation des pouvoirs
- non rétroactivité de la loi
- justice (présomption d'innocence, droits de la défense, etc.)

Les droits et obligations:
- droit de vote
- devoir de travailler et droit d'obtenir un emploi, sinon indemnité de chômage
- devoir de contribution à l'action publique (impôt)
- droit à l'action syndicale, droit de grève
- droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé
- devoir de protéger et d'améliorer l'environnement

Mais on comprend tout de suite pourquoi l'adhésion à ces règles ne suffit pas pour être revêtu de l'identité nationale.

Un étranger peut parfaitement adhérer à l'ensemble de ces règles: s'il est ainsi français dans l'âme, il ne devient pas pour autant français au regard de la France.

Pour cela, il faut que l'étranger soit reconnu et accepté comme français par la communauté nationale conformément aux règles de naturalisation qui résultent de la loi.

Et enfin, si un français refuse un ou plusieurs éléments de l'identité nationale ? Libre à lui d'acquérir une nationalité étrangère et de répudier sa nationalité française.

En tout cas, pour moi, il n'y a aucune notion d'amour, de dévotion, ni de mort pour la Patrie et encore moins de supériorité de la France dans l'identité nationale. Ce n'est ni du patriotisme ni du nationalisme, mais un état (pas un Etat).

L'identité nationale, on la choisit et on vous la donne. Ou on la rejette.

Et lorsqu'on l'a, on peut participer ensemble à sa définition et à son évolution. Le bloc de constitutionnalité n'est pas figé dans le temps, il évolue dans notre temps avec nous.

D'où l'intérêt d'un débat :)

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mercredi 28 octobre 2009

Scientologie: une condamnation de nature profondément libérale

J'utilise bien entendu le terme libéral dans son sens noble, celui qui inspire et dirige notre République.

Je rappelle brièvement que la Scientologie était jugée via deux entités en France: l'Église elle-même sous la forme d'une association loi 1901, et une librairie.

Si le tribunal ne pouvait plus ordonner la dissolution pénale de ces entités depuis la loi de simplification et de clarification du droit de mai 2009, il pouvait néanmoins leur interdire de poursuivre leur activité, décision qui aurait pu ensuite conduire à leur dissolution civile. Voir mon précédant article au sujet de la Scientologie ("Si, la Scientologie peut encore être dissoute").

Et bien non: le tribunal, délibérément, a fait le choix de ne pas interdire la Scientologie, et donc de ne pas permettre sa dissolution.

Il a préféré concentrer son action d'une part sur la publicité de la condamnation pour escroquerie dans plusieurs journaux, dans le but d'informer et de mettre en garde d'éventuelles victimes, et d'autre part sur de très fortes amendes à l'encontre non seulement de l'association et de la librairie, mais aussi de leurs dirigeants (qui au surplus ont écopé de peines de prison avec sursis).

Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas tendre vers la dissolution ?

- concernant l'association, le tribunal a considéré qu'une interdiction d'exercer pouvait engendrer au contraire "la continuation des activités en dehors de toute structure légale", donc sans contrôle possible.

- concernant la librairie, le tribunal relève que sa fermeture aurait été contraire "aux grands principes de liberté de pensée et d'expression qui sont le fondement de toute démocratie".

On comprend directement la nature libérale du motif de ce jugement qui a permis à la librairie d'échapper à l'interdiction d'exercer. La liberté d'expression est l'un des pivôts de notre République.

Mais pour l'association ? Et bien le tribunal n'a pas fondé sa décision sur "la valeur d'une doctrine", "mais sur des méthodes" factuelles et objectives recevant la qualification d'escroquerie, donc illégales.

La doctrine elle-même de la Scientologie, et les valeurs qu'elle véhicule, aussi insupportables soient elles pour beaucoup (dont moi), ne sont pas condamnées et peuvent donc continuer à être évangélisées au nom de la liberté d'expression.

Conclusion immédiate n°1: nous vivons encore dans un Etat de droit libéral qui rend la justice dans les limites d'un ordre légal fondé sur des lois et non d'un ordre moral reposant sur des valeurs.

A bon entendeur et mauvais prophète de l'ordre moral, salut!

Conclusion immédiate n°2: exit la polémique sur la dissolution ratée à cause d'une erreur du législateur. De toute façon, le tribunal ne l'aurait pas prononcée.

Quoiqu'il en soit, le jugement a fait l'objet d'un appel, et qui sait ce qu'il sortira de cette nouvelle instance ?

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Vitesses et coûts d'internet dans le monde en 2008

Voilà une très belle carte du monde, dessinée par l'ITIF (un think tank US) sur la base de chiffres délivrés par l'OCDE: les 20 premiers pays en terme de haut-débit sur internet en 2008.

La France y figure en bonne place: n°5 au classement avec une vitesse moyenne de 17,6mbps (mega bits par seconde). Le coût moyen par mbps y est également l'un des moins chers dans le monde, entre 1 et 5 USD.

On note toutefois une faiblesse sur la pénétration du haut-débit: un peu moins de 70% alors que les 4 premiers pays dépassent ce seuil (et même 80% pour la Finlande et la Suède).

Le pays le plus rapide ET le moins cher est sans conteste le Japon : 61mbps (3,5 fois plus que la France!) pour moins d'un USD par mbps.

Autres constatations:
- les USA ne sont pas à la traine en vitesse, mais sont loin derrière la France (3,5 fois moins rapide)
- l'Amérique du sud rentre dans le classement grâce à... la Guyane francaise!
- le continent asiatique est représenté par 3 États seulement: le Japon, la Corée et la Turquie.
- l'Afrique est hors classement.
- sur les 20 premiers pays, 16 sont européens, 2 sont asiatiques et 2 sont américains.

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jeudi 22 octobre 2009

Hadopi passe au Conseil Constitutionnel

La loi Hadopi 2 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet est donc validée par le Conseil Constitutionnel, sauf un article sur lequel je vais revenir.
 
Le mécanisme même de Hadopi est donc définitivement fonctionnel.
 
Rejetant TOUTES les demandes des anti-Hadopi, le Conseil Constitutionnel vient de décider aujourd'hui que:
 
- la loi peut parfaitement soumettre la poursuite des contrefaçons à des règles spécifiques et simplifiées
- ces règles ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice
- le juge peut également statuer selon des règles simplifiées sur la demande de dommages-intérêts par les ayants-droits
- les peines prévues par Hadopi ne sont pas disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction
- il n'y a pas de "double peine" à faire payer l'abonnement pendant la suspension de son accès à internet
- une autorité administrative peut parfaitement participer à la mise en oeuvre de l'exécution de la peine de suspension de l'accès
- la notion de "négligence caractérisée" ne revêt aucun caractère équivoque et est suffisamment précise pour garantir  contre le risque d'arbitraire
 
Alors elle est où, la censure du Conseil Constitutionnel ?
 
Elle porte sur un point très précis de la loi, qui n'a même pas été soulevé par les anti-Hadopi d'ailleurs...
 
Voici le considérant en question:
 
"Considérant, toutefois, que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi le soin de fixer les règles de procédure pénale ; que le deuxième alinéa de l’article 495-6-1 du code de procédure pénale prévoit que, dans le cadre de la procédure simplifiée, la victime pourra former une demande de dommages et intérêts et, le cas échéant, s’opposer à l’ordonnance pénale ; que, toutefois, cette disposition ne fixe pas les formes selon lesquelles cette demande peut être présentée ; qu’elle ne précise pas les effets de l’éventuelle opposition de la victime ; qu’elle ne garantit pas le droit du prévenu de limiter son opposition aux seules dispositions civiles de l’ordonnance pénale ou à ses seules dispositions pénales ; qu’ainsi le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l’article 495-6-1 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution".
 
Il faut donc une loi Hadopi 3 - très courte - pour colmater définitivement la brèche et obtenir une règlementation définitive et inattaquable constitutionnellement.
 
La conclusion aujourd'hui, c'est qu'Hadopi peut fonctionner, que les pirates pourront être sanctionnés légalement mais que les auteurs/artistes/producteurs/majors/etc. devront attendre encore un petit peu avant de pouvoir leur réclamer des sous.

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dimanche 11 octobre 2009

C'est donc Mitterrand qui a suivi Hortefeux et Besson

Chacun son tour a l'UMP.

Je me demandais ici qui suivrait Hortefeux et Besson, la réponse n'a pas tardé:

http://delongenlarge.blogspot.com/2009/09/seignosse-le-lieu-de-toutes-les-betises.html

Le point commun ? Les critiques sont personnelles et visent à détruire la personne elle-même, indépendamment de son action politique.

Classique. Puisqu'on ne peut ébranler ni l'exécutif ni sa ligne politique, on cherche délibérément à déstabiliser/déshonorer/humilier les hommes, et par eux le Président de la République.

Il en faut, du courage et de la force morale, pour résister à ces vagues de dévastation psychologique.

Pour l'instant, Hortefeux, Besson et Mitterrand résistent et je leur tire mon chapeau.


On parle de Jean Sarkozy, mais le problème n'est pas le même à mon avis. La critique n'est pas personnelle, pour l'heure, mais confine au népotisme rampant lié au choix du successeur annoncé à la tête de l'EPAD.

Alors qui suivra et démissionnera ? Est-ce que cela s'arrêtera un
jour ?

samedi 10 octobre 2009

Une pendaison pour quatre lignes

"Donnez-moi quatre lignes de l'écriture d'un honnête homme et je me charge de le faire pendre", a écrit le cardinal de Richelieu. 

Cela résume assez bien finalement "l'affaire Mitterrand".

Sauf que là, la pendaison est requise par plusieurs personnalités connues et par une meute d'anonymes.

Les personnalités jouent toutes avec les médias pour des raisons plus ou moins avouables. Sincères ? J'en doute très fortement. Politiques ? Très certainement. Fondées ? Pas du tout ; d'ailleurs bon nombre de ces personnalités ont reconnu ne pas avoir lu la "Mauvaise Vie".

Les anonymes - pas tous - eux aussi jouent, mais avec internet, ses forums et ses réseaux sociaux. Comme il est facile de vilipender quelqu'un publiquement dans le confort de son domicile sous le couvert d'un pseudonyme. Cela autorise bien des choses. J'ai peur qu'à force d'abuser du pseudo, on hâte la venue d'une réglementation peu tolérante à son égard.

Attention que la phrase de Richelieu ne se retourne pas contre les internautes en général. La liberté est sous surveillance, elle a des limites (elle s'arrête là où commence celle d'autrui), et il serait sage d'en jouir pleinement, anonymement ou pas mais dans le respect des lois et des hommes.

vendredi 9 octobre 2009

Polanski: Match Michaud-Finkielkraut ce matin sur France Inter, 3-0

A propos de l'affaire Roman Polanski:
 
Yves Michaud, philosophe: 3
Alain Finkielkraut, philosophe: 0
 
Sur 3 points (2 de fond, 1 moins important), le match a été dur et implacable! Moment inoubliable de radio, merci à Demorand de l'avoir permis.
 
- sur la victime "consentante": Finkielkraut s'est acharné à défendre l'absence de viol et même de crime pédophile parce que la victime était consentante et avait déjà une vie sexuelle à 13 ans (sic) (beurk). Et que de toute façon, la victime avait retiré sa plainte, ce qui devrait clore une fois pour toutes le procès. Michaud a heureusement rappelé, et un auditeur ancien magistrat est venu à son soutien - et ici je viens aussi confirmer ses propos - qu'une mineure ne PEUT pas donner son consentement, par son statut même de MINEUR, et qu'une relation sexuelle avec une mineure est un acte PEDOPHILE puni pénalement. Et que la victime a eu beau retiré sa plainte, il n'en restait pas moins que l'action pénale, celle que le pouvoir public conduit au nom du peuple (et non de la victime) pour l'infraction commise, continue toujours! C'est le cas en France comme aux USA. 1 point pour Michaud.
 
- sur la prescription: Finkielkraut dénonce une infraction "Polanski" imprescriptible, comme les crimes contre l'humanité (au passage, il dénonce aussi les amalgames des "autres", il ferait mieux de surveiller les siens, nombreux...). Michaud a rappelé légitimement qu'une infraction pénale n'est pas prescrite tant qu'il existe des poursuites qui interrompent la prescription. En l'occurrence, les mandats d'arrêt internationaux ont été régulièrement renouvelés. Et enfin, sur l'ancienneté des faits et le pardon de la victime, c'est au tribunal exclusivement de juger et éventuellement de prendre une décision clémente. Mais s'il n'est pas saisi parce qu'on se soustrait aux poursuites ? 1 point pour Michaud.
 
- sur la double faute de la France d'avoir accordé la nationalité française à un "violeur" notoire et de ne pas l'avoir extradé aux USA, selon Finkielkraut dans un sarcasme final: Michaud a simplement rappelé que Polanski est né en France (à Paris en 1933), qu'il a donc la nationalité française, et que la France n'extrade pas ses nationaux. Point barre et point final pour Michaud.
 
Avant de faire déferler ses haines et ses rancunes contre les uns ou les autres, voire contre la société toute entière, et de lyncher tel ou tel au nom de l'ordre moral ou de la liberté selon le camp qu'on a choisi, il faut revenir aux principes fondamentaux de notre République garantis par la Justice, et surtout à un peu plus de respect entre les personnes.
 
Comment ça, je lynche Finkielkraut ? non, je respecte l'homme, et souvent même je suis d'accord avec lui, mais la position qu'il tient dans l'affaire Polanski m'horrifie.

Posted via email from Aymeric's posterous