lundi 13 juin 2011

Ochlocratie

L'ochlocratie est le gouvernement par la foule ("okhlos") au sens péjoratif du terme, c'est-à-dire la masse vulgaire et médiocre qui par exemple "lynche" autrui par pulsion collective.

Le courant ochlocratique pourrait qualifier la tendance d'un groupe, influencé par certaines personnes en son sein, à agir non dans l'intérêt général, mais dans l'intérêt individuel des influenceurs.

Je ne suis pas de ceux qui jettent la pierre sur l'internet, au contraire. L'internet n'a pas de conscience et n'est qu'un vecteur d'expression libre parmi d'autres qu'il faut donc absolument défendre et renforcer. On y trouve alors le meilleur et le pire en fonction de ce qui s'y dit.

A propos du pire, force est de constater qu'il prend souvent la forme de ce fameux courant ochlocratique. Il n'y a qu'à observer les vulgarités et grossièretés échangées par exemple entre militants politiques de tous bords entre eux ou au sujet de personnalités emblématiques : au lieu de critiquer l'action politique, on préfère détruire la personne, l'individu qu'il soit responsable d'un parti ou simple partisan.

Alors qu'il serait très facile d'éviter ce lynchage récurrent en étant soi-même un peu plus raisonnable et respectueux...

Le sens critique, sens essentiel

Deux articles récents ont attiré mon attention et j'ai voulu mettre en perspective leur contenu l'un par rapport à l'autre :

- Sur Internet les foules ne sont plus sages, sur le blog Psychologik de Yann Leroux au sujet d'une étude réalisée par des sociologues et des spécialistes en systèmes.

La sagesse des foules, concept généralement ancré dans l'inconscient collectif et qui repose plus ou moins sur le théorème de Descartes par lequel le bon sens est la chose la mieux partagée du monde, suppose à la base que l'appréciation moyenne d'un groupe sur une décision à prendre est plus proche de la décision optimale que chacune des appréciations individuelles dans le groupe.

Selon l'étude en question, cette sagesse collective peut être faussée dans le temps si le groupe est soumis à une certaine influence sociale, par deux effets statistiques et un autre psychologique.

"L'effet de l'influence sociale" elle-même conduit, par convergence, à réduire la diversité du groupe quand ses individus se départent de leur propre appréciation sous l'impulsion d'autres individus plus influents et adoptent l'appréciation personnelle de ceux-ci. Cette réduction est opérée sans qu'en soit améliorée la justesse de l'appréciation moyenne du groupe sur la décision à prendre. "L'effet de réduction de champ" vient en effet courber cette appréciation moyenne vers une appréciation faussée, détournée sous l'action de l'influence sociale, dont le groupe devient alors porteur. "L'effet de confiance", psychologique, renforce à l'excès la confiance des individus du groupe dans leur appréciation collective biaisée à cause des deux premiers effets et donc non conforme à ce que serait en fait l'appréciation moyenne objective du groupe.

- Le risque de l'individualisation de l'internet, relayé par Xavier de la Porte dans internetactu.net.

L'individualisation provient des résultats de recherche dans Google, qui depuis fin 2009 ne sont plus uniques pour chaque requête, mais personnalisés en fonction du profil de la personne qui a lancé la requête (encore faut-il que cette personne soit reconnue par Google, donc identifiée par son compte Google ; les recherches sont les mêmes en anonyme).

Le risque est alors que chacun soit conforté dans sa propre vision du monde (et on retrouve ici "l'effet de confiance"), à l'abri des idées divergentes puisque celles-ci, ne répondant pas au profil donné, ne sortent plus dans la liste des résultats de la recherche.

Deux articles qui finalement mettent le doigt sur la manipulation dont on peut être soi-même victime, sur l'internet ou IRL, à force de ne fréquenter, lire ou écouter que les mêmes personnes et à ne pas avoir la curiosité de voir ailleurs si les idées ne sont pas plus vertes.

Deux articles qui trouvent leur expédient tout simplement dans le sens critique, qui prend toute sa dimension quand on prend la hauteur nécessaire sur chaque allégation, quand on peut la prendre grâce à son bagage culturel et éducatif.

Donnez donc tort à Huxley, pour qui la plupart des êtres humains ont une capacité infinie à tout prendre pour acquis...